Envoyer à un ami  Imprimer  Augmenter la taille du texte  Réduire la taille du texte
ACTUALITES

RETEX de l’opération SAR 0459 - 2014 TAO

partager sur facebook partager sur twitter
publié le 30 août 2015

Le 15 mai 2014, le Maritime Rescue Coordination Center MRCC Gris-Nez a reçu une alerte de détresse par balise 406 du voilier TAO. Le voilier venait d’être retourné par une vague scélérate et menaçait de couler.
M. Dupouy, propriétaire et skipper du voilier TAO, est venu témoigner au CROSS, le 18 août 2015accompagné de son épouse, en métropole au moment de l’opération.

Résumé du récit de M. Dupouy :

Le voilier est en transit entre les Bermudes et la France. Une escale est prévue aux Açores. L’équipage est composé de trois personnes : le propriétaire et deux équipiers.

M. DUPOUY reçoit par téléphone satellite la météo sous forme de fichiers GRIB : La météo est bonne mais une dépression est annoncée 24h plus tard sur zone. Les prévisions de route indiquent que le voilier passera largement au Nord de la dépression. Les fichiers GRIB sont en réalité erronés de 24h (vérification a posteriori par corrélation entre des fichiers météo reçus de deux source différentes par le navire de pêche sauveteur). Le voilier TAO s’est donc retrouvé dans la zone dépressionnaire.
Conditions sur zone : vents 70 nds – creux 7 m (source STW).
Gréement du TAO au moment de l’événement : Trinquette au 2/3, Grand voile sous 3 ris.

L’équipage a voulu tester le lancement du moteur au moment de prendre le 3? ris. Le moteur ne démarrant pas, l’un des équipiers sort et se rend dans le cockpit pour réengager le moteur (commande au niveau de la barre à roue). Puis il reste dans la descente, capot de descente ouvert.

L’équipier voit alors une vague scélérate arriver sur le voilier et l’annonce à ses équipiers restés à l’intérieur. Sous l’effet de la vague, le voilier s’est retourné à 180°. Le capot de descente étant resté ouvert, l’eau s’engouffre dans le carré jusqu’à la poitrine (80 cm d’air restant dans le carré, coque retourné), les 3 équipiers étant à ce moment dans le voilier retourné. Le mât, posé sur le plat-pont, se détache sous l’effet du poids. Il reste amarré sur le côté du navire par le haubanage.

Les trois équipiers ont tous leur gilet de sauvetage à poste mais celui du skipper ne se déclenche pas (gilet neuf, acheté en Floride avant départ). Le skipper décide de plonger pour sortir du voilier. Les deux autres équipiers restent alors bloqués à l’intérieur, gênés par leurs gilets de sauvetage gonflés.

Au bout d’un temps indéterminé (5-10 min), le voilier se retourne. Les deux équipiers peuvent sortir du voilier et le skipper parvient à s’accrocher aux filières du voilier. Il est alors hissé à bord par ses collègues. Le voilier est plein d’eau et enfourne sur l’avant.

L’équipage décide de prévenir les secours. Le skipper a, à bord du voilier, un « bidon survie » dans lequel il place habituellement sa balise 406, les papiers d’identité et du bateau ainsi qu’une VHF portable étanche. Celle-ci ayant servi lors d’une opération de maintenance au cours d’une escale récente, le skipper a oublié de la replacer dans le « bidon survie ». Il ne peut donc pas lancer de MAY DAY par VHF sur zone. Il déclenche en revanche sa balise de détresse SARSAT-COSPAS 406 Mhz qui sera reçue au MRCC Gris-Nez (via le Centre de contrôle de mission français Cospas-Sarsat FMCC de Toulouse) et au MRCC Boston.

Dans l’attente de secours, l’équipage organise sa survie. Le premier objectif est de vider au maximum le voilier. La pompe mécanique ne fonctionne plus (plus d’électricité à bord) et la pompe manuelle a un débit très faible. L’usage du saut ne permettra pas d’aller plus vite non plus. Ils décident alors d’alléger le voilier de tout ce qui est superflu (matelas, mobilier...). Le fait de jeter des éléments à la mer permet aussi de laisser une trace pour de potentiels navires passant dans la zone.

La deuxième tâche à réaliser pour alléger le voilier est de couper le haubanage pour libérer le mât. Bien qu’ils aient une pince importante pour cela, ils ne parviendront à sectionner que deux haubans. Les 2 étais (Génois et Trinquette) étant sous l’eau à l’avant, ils ne peuvent y accéder sans danger.

L’équipage organise le possible abandon du voilier : ils percutent le radeau de survie et l’amarrent à l’arrière du voilier. Ils amarrent également l’annexe avec ses pagaies de la même manière. Ils récupèrent le reste de vivre du voilier pour transfert vers le radeau. Finalement, la longe du radeau se rompt et l’embarcation s’éloigne sans que l’équipage ne s’en rende compte immédiatement.

4 heures après l’envoi de la détresse, alors que l’équipage organise sa survie, l’avion PATMAR envoyé sur zone par le MRCC Boston passe au-dessus du voilier. Pour s’assurer qu’ils ont été repérés, l’équipage percute un fumigène. L’avion PATMAR repasse sur le voilier et fait plusieurs tours pour signifier qu’ils ont bien été vus. L’avion largue alors trois chaînes SAR. Les deux premières tombent loin du navire. La troisième tombe à 100 mètres du voilier. Le skipper décide d’aller la récupérer à la nage, en s’amarrant au navire. Le conteneur comprend alors une VHF qui va permettre à l’équipage de communiquer avec l’avion. Ils apprennent alors que deux navires ont été déroutés vers leur position et que les deux autres conteneurs largués sont des radeaux de survie.

N’ayant plus de radeau de survie et craignant que le voilier sombre, le skipper décide d’abandonner le navire à l’aide de l’annexe pour se rendre à la rame vers le radeau tombé le plus près de leur position (500 à 600 mètre).
Arrivé sur zone, ils montent dans le radeau et attendent l’arrivée des navires déroutés. Le voilier sombre avant l’arrivée des secours. L’équipage, qui jusque-là s’est activé pour organiser sa survie, commence à ressentir la sensation de froid. Ils attendront quelques heures (4 heure entre l’arrivée du PATMAR sur zone et l’arrivée du chalutier) dans le radeau de sauvetage.

Le chalutier espagnol dérouté sur zone leur porte alors assistance en les embarquant à bord. Le transfert est périlleux car l’équipage du chalutier n’a jamais procédé à une telle récupération et la mer est formée (creux de 7m). Ils parviendront à plaquer le radeau le long du bord à l’aide des bouts situés de part et d’autre du radeau (présent pour toute chaîne SAR largué d’un avion), puis à hisser les naufragés à l’aide de leur cabestan.

Le chalutier rejoint ensuite le navire hôpital espagnol Esperanza Del Mare également dérouté pour leur porter assistance.
24h plus tard, ils sont transférés sur le navire hôpital sur lequel un bilan de santé est réalisé. Les trois équipiers sont en bonne santé.

Détail du navire :

- voilier « alliage 44 » coque alu, 14 m (voilier réputé robuste).
- possédait une balise 406 EPIRB avec GPS

Ce qu’il est possible de retenir de cette expérience :

- Les fichier météo étaient erronés. Le moyen de réception des fichiers n’est donc pas la seule cause d’erreur sur la météo.

- Le capot de descente était ouvert au moment de l’arrivée de la vague scélérate : conseil aux personnes en difficulté de maintenir les ouvertures fermées.

- VFI : l’un ne s’est pas déclenché alors qu’il était neuf : Avant d’utiliser un gilet de sauvetage, il importe de connaître son système de déclenchement (à pression hydrostatique, par contact de l’eau...)
Les deux autres étaient bloqués à l’intérieur à cause des gilets gonflés. Il est aussi intéressant d’avoir ouvert son gilet gonflable au préalable pour savoir s’il dispose d’un dispositif de déclenchement manuel, de dégonflage et de regonflage manuel ainsi que la position de toutes ces valves sur le gilet.

- L’organisation de la survie : une fois que la balise de détresse a été déclenchée, l’équipage a organisé sa survie (maintien du flotteur hors de l’eau, préparation du moyen d’évacuation, rassemblement des affaires à emporter...). Toutes ces tâches ont occupé les équipiers. Ils ne sont pas restés inertes : pas de sensation de froid ni de panique à bord.

- les décisions prises par le skipper ont permis à l’équipage de ne plus être sur le voilier lorsqu’il a sombré (nager vers le 1er conteneur largué : a permis de récupérer une VHF, décision d’abandonner le voilier pour rejoindre un radeau de survie)

Les « plus » déterminant dans l’opération :

Pour le plaisancier :

- Présence à bord d’un « bidon survie » comprenant la balise 406, les papiers d’identité et du bateau, une VHF portable étanche.
- Balise encodée, qui a permis d’avoir une position précise rapidement, et bien enregistrée, ce qui a permis de contacter immédiatement les proches au courant de la traversée.
- Le skipper envoyait régulièrement un mail à sa femme avec la position du voilier : cela a permis de confirmer rapidement la localisation de la détresse, le niveau d’expérience de l’équipage et les intentions initiales de l’équipage.

Pour le MRCC :

- Envoi d’un avion PATMAR pour localiser le voilier et larguer des chaînes SAR
- Déroutement du navire le plus proche et envoi sur zone de l’Esperanza Del Mare

Pour le CROSS Gris-Nez :

- le contact rapide avec la famille qui a permis de préciser la position, la crédibilité de la recherche
- les excellents contacts entre le MRCC Boston et le MRCC Gris-Nez